vendredi 12 juin 2020

Pour la Pride : Soyez Fier(e)s, Soyez Folles !

Le mois des fiertés est toujours la période où les mêmes débats reviennent : « La Marche Des Fiertés permet-elle de soutenir la cause ou encourage t-elle l'homophobie ? », ou encore « Les personnes habillées en BDSM sont-elles trop provocantes ? », et en dernier lieu « Est-ce que la Marche des Fiertés est un lieu pour les enfants ? »



LGBTQIA-Pride : Ceci n'est pas une pipe.


« Ceci n'est pas une manifestation », « ceci n'est pas un carnaval ». En réalité la Marche est peut-être bien les deux à la fois, et c'est peut-être même, sur cette ligne de crête, qu'elle trouve son principe cardinal.

En premier lieu, et c'est une évidence, il s'agit d'une manifestation politique. On y trouve des revendications pour les personnes homosexuelles, bisexuelles, transgenres, inter-sexes, queers, asexuelles. Les différences sont finalement assez subtiles entre un défilé de la CGT et une Marche des Fiertés. Les mêmes mégaphones usés côtoient les mêmes pancartes, le long des mêmes parcours. Les nuances sont de l'ordre de l'esthétique, les paillettes et les culs sont plus nombreux, la musique est meilleure, et on trouve ici et là quelques danseurs...

C'est là que rentre dans le discours, la dimension carnavalesque, et frivole, de la Marche des fiertés. Au-delà des droits réclamés, on célèbre ceux déjà acquis de longue lutte. La Marche se rapproche alors de la Fête des Fous décrites par Victor Hugo dans « Notre Dame de Paris », les valeurs y sont ridiculisées, les genres deviennent flous, et l'ordre sociale est renversé. C'est l'héritage directe des Saturnales romaines, dont la Fête des Fous est la descendance christianisée.




Collectif et Individuel : Une Lutte Pour Tous.


La Marche « Manifestation » et la Marche « Carnaval » sont, de mon point de vue, les deux faces d'une même pièce.


Des banderoles et des drapeaux.
La Pride, en tant que marche politique donne une dimension collective aux divers communautés discriminées pour leurs genres ou leurs sexes. Mais son message, sa communication vise également des communautés. Au premier rang de ses communautés visées, on trouve la « Nation », puisque c'est dans cet espace que l'on exerce, en théorie, notre souveraineté, et donc la politique dans son sens traditionnel. On peut aussi voir cette manifestation comme ayant des visées à l'encontre des communautés religieuses rétrogrades ou des institutions (Exemple : la police), qui sont elles aussi, des formes de collectivités ou des émanations de celles-ci.


Les Sœurs de la Perpétuelle Indulgence

Si la manifestation vise certains groupes sociaux, le carnaval vise l'individu. En troublant le genre, en révélant ses fétichismes, on expose l'autre à un questionnement sur soi-même, sur son genre et sa sexualité. La réaction violente, de l'extrême-droite, face à deux hommes en string se tenant par la main est révélatrice. Ils n'ont pas de relation sexuelle, ils n'ont pas le sexe à l'air, et néanmoins certains trouvent cela choquant. C'est ce choc qu'il faut questionner et que chaque individu devrait étudier en son fort intérieur. Notre corps doit-il être source de honte ? Pourquoi devrions-nous le cacher ? Le même raisonnement est applicable aux défilés « Puppy play » et BDSM, en général. Quel est le problème à voir un homme déguisé en chien ? Sinon qu'il suggère une sexualité. Et dans ce cas, faut-il interdire la suggestion ? Et si les réponses et réactions sont si violentes, c'est peut-être que notre société normalise encore trop les sexualités, car les mêmes s'indignant de voir deux femmes enchaînées l'une à l'autre, ce scandalisent bien moins de l'exploitation commerciale de ces mêmes corps dans des publicités pour des savons.


Imposer un message à l'individu, ainsi qu'à des institutions, c'est le double objectif des Marche des Fiertés. Sur la ligne de crête, entre la provocation carnavalesque et la manifestation politique, c'est probablement la clef de son succès.



La droite est choquée : On s'en fout !


Mon dieu ! Des culs ! Scandale !


Je me souviens de la « Une » d'un journal d'extrême-droite avec des homosexuels « provocants et dénudés » comme le disait un commentaire Facebook. Nous serions donc choquants. Pourtant l'image n'était pas en Une de Têtu, de Gai Pied, ou de Garçon Magazine. Si l'image est choquante pourquoi en faire la promotion et la diffusion ? Pourquoi, si elle n'est pas appropriée, doit-elle être présente dans tous les kiosques de France ? Nous sommes au comble du paradoxe, car oui, la plupart du temps, les images « choquantes » de la Marche des Fiertés sont diffusés par les mêmes qui s'en scandalisent, alors que des sexes à l'air pour fêter la coupe du monde de football, ce n'est, pour eux, pas un problème.

Et combien faut-il être étroit d'esprit pour ne pas supporter que, une fois par an, durant une journée, les gens se libèrent des carcans de leur vie ordinaire ? Qu'ils célèbrent leurs vices, au lieu de leur vertu, pendant une unique journée ? Nous sommes le pays de Laclos, de Sade, et de Nerciat, et si la Marche vient des USA, la France s'honore d'y contribuer, car elle fut, à une époque, la patrie des libertins, et les défenseurs de la France Éternelle, ferait bien de s'en souvenir.



Extrait de Prayers For Bobby (VF : Bobby Seul Contre Tous) :

Si vous voulez comparer la représentation d'une pride par l’extrême-droite (photo ci-dessus) et par une personne concernée (vidéo ci-dessous).



Les enfants à la Pride, c'est non.


Vous êtes une famille homoparentale, ou hétérosexuelle et alliée de nos luttes, c'est bien, et surtout, merci. En revanche, ne venez pas vous plaindre que, je cite : « On ne peut pas emmener les enfants car des gens sont provocants. »

En premier lieu, un enfant ne verra qu'un homme déguisé en chien, là où vous voyez un jeu pervers. Si vous n'êtes pas convaincu, vous pouvez également vous interroger sur vous mêmes et sur le fait d'emmener un enfant dans une « célébration des sexualités et des genres alternatifs ».


En second lieu, une Marche des Fiertés est, comme je le disais, une manifestation politique avec les risques qui sont liés à ce genre d'événement. Les émeutes, les violences policières, le gaz lacrymogène, ceux sont des possibilités, voir probabilités, durant une Pride, est particulièrement durant la Marche des Fiertés de Paris.

Vos enfants n'ont rien à faire dans une manifestation, que ce soit les Marches des Fiertés ou les autres, c'est dangereux !





La Marche des Fiertés est une diversité de chose. Elle est la manifestation de nos luttes, le carnaval de nos désirs, la fête de nos libertés, la mémoire de ceux que nous avons perdus, et elle est riche de toutes ses dimensions.


vendredi 13 mars 2020

Pourquoi regarder des séries boy's love thaïlandaises ?


Aujourd’hui, et pour mon premier article, je vous propose un choc culturel d’envergure. Nous partons de l’autre côté du globe terrestre, en Thaïlande, à la découverte de nombreuses séries traitant d’amoures masculines.

Une Trajectoire Culturelle : Direction La Thaïlande.


Les représentations de l’homosexualité masculine, sont peu nombreuses par rapport aux
Bobby, Seul Contre Tous.
représentations hétérosexuelles, dans la culture 
mainstream occidentale. Si elles se multiplient ces dernières années, ce n’était pas le cas, à la fin des années 2000, moment de mon adolescence. On pensera bien entendu aux deux versions de Queer As Folk, à la série Skins ou encore à quelques films à l’issue souvent tragique comme A Single Man ou le téléfilm Bobby, Seul Contre Tous. Ajoutons que, dans cette liste, loin d’être exhaustive, pratiquement aucun couple ne finira ensemble quand, par chance, les protagonistes seront encore vivants.

Pour un adolescent de nature mélancolique, il est difficile, voir impossible, de dessiner une trajectoire positive de sa propre sexualité avec des modèles aussi dramatiques. Il m’a donc fallu partir en quête d’autres représentations de l’homosexualité masculine. Il m’est alors revenu une scène de la série animée Sakura, Chasseuses de Cartes (Kādokyaputā Sakura) que je regardais quand j’avais 8 ans. Une déclaration d’amour d’un garçon à un autre. Mon inclinaison pour le Japon, à ce moment là, s’était déjà confirmée. J’avais quelques mangas dans ma bibliothèque, je ne ratais pas un épisode de Naruto sur Game One, et j’avais fini plusieurs séries dont Death NoteYu-Gi-Oh, ou encore D-Gray Man.

Junjo Romantica (Tome 20).
Ma recherche de modèles homosexuels entra donc en contact avec ma culture manga, et je découvris ce qu’on appelait encore Yaoi, et que l’on nomme, aujourd’hui, Boy’s Love. Je me plongeais, à ce moment là, dans des œuvres célèbres comme Junjo Romantica, ou certaines qui semblent aujourd’hui oubliées, comme Gravitation. Les représentations, certes stéréotypées y étaient plus optimistes, les couples avaient une forme de pérennité. Néanmoins, on ne peut pas dire que je sois devenu un fanatique de ces œuvres. Elles souffraient, à l’époque, de nombreux défauts, au rang desquels le premier était l’absence de consentement, et le second, la répétitivité de ces histoires qui se ressemblaient toutes entre elles.

Ces défauts finirent par avoir raison de ma consommation de BL dès mes vingt ans. Cette abandon fut également le fruit d’un renouveau de la représentation LGBTQI+ dans les séries, films et jeux occidentaux. Les jeux Bioware et de nouvelles séries (LookingSense8, etc…) me détournèrent un long moment des productions japonaises qui abordaient alors l’homosexualité de manière trop unidimensionnelle.

C’est à la faveur d’une année creuse à mes yeux (2016), où les représentations gays furent temporairement remisées au placard en occident, que je décidais de me remettre aux mangas, et de faire l’inventaire des séries animées BL que j’aurais raté durant ma période d’ermitage culturel. L’occasion pour moi de découvrir que depuis 2014-2015, il existait des séries BL avec de véritables acteurs, les dramas. Pourtant, et à ma grande surprise, le Japon n’était pas en pointe sur le sujet, c’est la Thaïlande qui tenait le haut du pavé…

Bienvenue dans le monde du BL thailandais, nous sommes en 2018…

Le Boy’s Love Thaïlandais : Commencer Est Un Défi.

Il faut le dire, les séries thaïlandaises souffrent de nombreux défauts qui peuvent bloquer les spectateurs occidentaux.
En premier lieu, on trouve la langue bien entendue. La langue thaï (et ses différentes variantes) n’est clairement pas, à mes yeux, la plus élégante. C’est un goût personnel, bien entendu, mais je préfère prévenir ceux qui souhaitent en faire l’expérience. C’est également une langue peu répandue dans le monde. En conséquence, les sous-titres ne sont pas toujours présents en français, et ils sont systématiquement traduits depuis les sous-titres anglais. Ce processus double les risques d’erreurs et de contre-sens. Un conseil donc, regardez vos séries thaïlandaises avec les sous-titres anglais, si vous en avez la possibilité. (Mais je remercie les traducteurs-rices VF pour leur travail !)

Placement de produit dans Until We Meet Again.
Un autre problème, et en fait le principal, est le manque parfois flagrant de budget.  En effet, certaines scènes, voir certaines séries complètes, peuvent apparaître comme assez minimalistes au niveau de la production. Néanmoins, les méthodes pour faire des économies ne sont pas les mêmes qu’en occident, donc elles sont plus difficiles à détecter pour un français. De plus, cette difficulté semble disparaître depuis quelques temps. En revanche, pour avoir des financements, les productions ajoutent des placements de produit. Mais ceux-ci sont tellement peu subtils que ça devient scandaleux par moment. La série Until We Meet Again, par exemple, contient des scènes entières où les personnages se maquillent, et qui arrêtent autant l’intrigue que l’action. Heureusement, on peut vite faire un saut dans la barre du lecteur…

Le dernier des problèmes est la représentation des LGBTQI+ dans ses séries. Si les gays et les lesbiennes sont souvent considérés avec respect, ce n’est pas le cas des « Tootsies » c’est-à-dire, des gays efféminés qui sont souvent des éléments comiques, ce qui est également le cas des personnes transgenres. Notons, tout de même, que ce n’est pas toujours le cas, et que je ne connais pas assez la culture thaïlandaise pour prononcer un jugement de valeur sur ce sujet.

Des Qualités Indéniables !


La première des qualités d’un drama thaïlandais, c’est d’abord, la Thaïlande, évidemment. La culture est si différente, et c’est un tel plaisir d’en découvre les moindres aspects à travers le quotidien des personnages. La nourriture, les formes de politesse et de respect, la langue, la religion, l’architecture, tout est différent. D’une certaine manière et sans que ce soit volontaire, chaque série montre la Thaïlande d’une manière différente. Prenons par exemple, He’s Coming To Me qui présente notamment les rituels liés aux morts ou Until We Meet Again qui en profite pour nous parler des pâtisseries traditionnelles du pays.

Une autre qualité indéniable, c’est la diversité des intrigues. Certes, elles sont pratiquement toutes dans un cadre scolaire, entre lycée et université, mais les personnages, et les histoires savent se renouveler. Certaines séries possèdent des antagonistes, alors que d’autres préfèrent le format « tranche de vie/humour », et que d’autres encore abordent des thématiques graves comme le viol, le harcèlement scolaire ou encore le revenge porn et ceci de manière parfois maligne, parfois maladroite.


TharnType : The Series.
Bon, il faut aussi dire que j’ai une inclinaison particulière pour les physiques avec les yeux bruns ou noirs, alors les beaux garçons qui jouent dans ces séries ne me laissent pas indifférents. C’est un peu comme Riverdale ou Teen Wolf à l’époque, on regardait plus pour le physique des acteurs que pour l’intrigue, là, c’est pareil mais au moins l’histoire est intéressante.

Enfin, la dernière qualité, c’est le sentiment de plénitude qu’apporte ces dramas. Les séries occidentales qui procurent cette sensation peuvent être comptées sur les doigts de la main, Sense8 et Une Nounou d’Enfer, peut-être, mais c’est tout. Les séries comme The Handmaid’s TalesGame Of Thrones ou Breaking Bad sont indéniablement de grandes séries mais elles sont si anxiogènes, si négatives, qu’on finit par s’interroger sur pourquoi on s’inflige ça. Donc, un conseil, si vous êtes en train de faire une déprime, regarder une série BL thaïlandaise, et ça ira mieux.

Quelques Conseils Pour Finir.


Achevons cet article avec quelques suggestions de visionnages :
  • Pour ceux qui aiment la musique, je dois avoué que la série 2Gether: The Séries, a réussi à m’avoir au bout du deuxième épisode. Tine veut fait semblant de sortir avec Sarawat, la star du lycée pour se débarrasser de Green, un jeune homme qui est amoureux de lui et qui se révèle un peu envahissant.
  • Si vous cherchez une histoire torride avec des beaux garçons qui sont un peu idiot, je vous dirige vers le désormais célèbre drama TharnType : The Séries. Celui-ci narre l’histoire tendue entre deux colocataire, l’un homophobe et l’autre homosexuel. Vous vous doutez, bien entendu, que les choses ne sont pas si arrêtées que cela.
  • Pour ceux qui aiment les histoires plus romantiques avec moins de sexe, et moins de bisous, ce que je peux comprendre en cette période de coronavirus, je vous conseille Sotus et Sotus S, respectivement saison 1 et 2 de la même intrigue autour de deux étudiants et des bizutages d’entrée à l’université.

Sawat di khrap !